mercredi 16 mai 2012

Premier Séna réussi !

Merci... “Merci, pour cet après-midi si riche, si fort en émotions, merci à travers votre Histoire, d’avoir enrichi la mienne. Merci à ceux qui par leurs lectures, par leurs paroles, par leurs pudiques confessions, me permettent de me revisiter, m’offrent la possibilité de faire encore un pas sur le chemin. À très bientôt, chères belles personnes”.C.B. C’est par ces mots que l’un des participants au Sénat du 7 avril nous dit tout ce que ces trois heures de rencontre lui ont apporté. Un autre, guadeloupéen celui-ci, est venu dire à quel point il en avait appris sur son histoire, sur son pays, sur les gens et sur le monde, car les textes dits par les comédiens n’étaient pas uniquement consacrés à la Guadeloupe. Il fut question du Rwanda aussi, et de la manière dont certains journalistes peuvent jeter un regard folklorique sur les événements les plus déchirants de notre planète. 15 comédiens , chanteurs et musiciens , une cinquantaine de participants en tout et la parole a circulé durant trois heures, entre confidences sur des enfances - pas toujours roses dans un pays où la brutalité sociale dure depuis trop longtemps - et extraits de textes de théâtre. La particularité de la formule réside dans ce passage de la parole libre à la parole jouée, et cette légère interrogation sur les visages : est-ce un spectateur ou un comédien ? dit-il un texte ou s’exprime-t-il simplement sur le sujet en cours de discussion ? Mais le théâtre opère toujours sa magie et le silence s’installe, les bruits se calment, les voix des comédiens se posent sur le silence et l’univers du texte se déploie. Firmine Richard et Jalil Leclaire ont lancé l’après-midi avec un extrait de Lettres Indiennes après une invitation chantée par Lully et René Dambury : Sizé zanmi … Voyé Séna-la monté. Un très beau Kaladja. Et puis Tadié Tuéné et Martine Maximin dans Lui Hutu, elle Tutsie. Le public pousse un soupir de soulagement à la fin, un rire s’échappe après toute la tension que les deux comédiens ont su faire monter. Et Roselaine Bicep, nous transportant dans l’univers de la Guadeloupe de l’occupation, avec l’arrivée du Gouverneur Sorin. Bâton Maréchal. Français, créole, certains ne comprennent pas, mais quelle importance, le ton transmet l’émotion, les rires sont communicatifs. Astrid Bayiha, royale dans l’extrait de La Femme lapidée de Trames. Le silence qui dure après que la dernière note du texte a résonné… Comment sortir de cette incroyable émotion ? Et Christian Julien, à qui le rôle de Camille dans Camille et Justine va comme un gant : hâbleur, cajoleur, séducteur…et tendre. Le temps file, file à toute allure, aors il faut resserrer les lectures. Survols, joué par Jalil Leclaire et Gerty Dambury, Reflux, formidablement partagé entre Gladys Arnaud et Raphaelle Serreau.Du grand art ! Le temps file trop vite et le texte de Mylène Wagram Tant de petites faiblesses en pâtit un peu, je crois, précipité dans ses derniers mots. On sent que l’heure fatidique va nous surprendre alors, Ti Malo qui a, avec grâce, animé cet après-midi, glissé les phrases de transition entre la parole des spectateurs et les lectures – une tâche très difficile, mais qu’il fait avec une grande patience -, annonce qu’il va falloir suspendre les lectures, il restera quatre pièces qui n’auront pas été entendues. Les comédiens qui ont travaillé ces textes sont un peu déçus, mais chacun a eu l’occasion de participer à un autre extrait, à part Mariann Matthéus… Alors Mariann, superbe dans un extrait très poétique de Lettres Indiennes, arrache un “aaah”, de contentement au public… C’est cela le théâtre. C’est aussi cela dont nous rêvions : un public proche de nous, proche physiquement et émotionnellement, un publc qui juge, qui s’exprime, qui bouge, qui ne se sente pas enfermé dans un silence tellement respectueux qu’il parvient à tuer le désir d’être là… Un public qui parle ! Il fut question de la canne, de ce qu’elle représente dans la vie quotidienne du pays, de ce qu’elle occupa comme place dans la vie d’enfants privés d’école pour participer aux récoltes, une fille d’ouvrier de la canne s’est trouvée assise aux côtés d’une fille de géreur… Il fut question de musique, du temps ou le Gwo Ka était si mal vu, des batailles que menèrent certains musiciens pour imposer cette musique, de la rencontre entre le Jazz et le Gwo Ka, dès les années 70-80. Il fut question de la création des syndicats paysans dans les années 75, de grands mouvements de grève. Il fut question de joie aussi, d’amour de ce pays, en déclarations enflammées et émouvantes. Il fut, bien sûr question d’esclavage. Comment parler de la Guadeloupe, de la Martinique sans y faire référence ? Et à ce propos, les avis se sont affrontés sur la transmission. Faut-il transmettre et pourquoi ? Mais ne faut-il pas aussi que chacun se prenne par la main et recherche les informations qui lui manquent, dans les livres, les films etc… L’école joue-t-elle le rôle qui est le sien dans cette question ? Et puis, grâce au généreux et talentueux investissements des amis et membres de La Fabrique, vint le temps de manger (lanmori koupé dwèt et flan au coco...), de boire, et de se rencontrer encore plus librement. Encore un mot de “spectatrice” pour finir : “Toutes mes félicitations pour ce moment de partage que vous nous avez offert. J’espère et compte sur vous pour renouveler l’expérience. Pourquoi pas lors d’une soirée payante ? Je promets de ne pas intervenir la prochaine fois (shame -honte…). TiMalo m’a piégée, j’ai cru qu’il demandait la participation du public ! Moi qui suis d’ordinaire si réservée. Mais je ne regrette pas car nous avons eu un beau témoignage et surtout j'ai permis à notre compatriote de se libérer de quelque chose dont elle n'osait pas parler. Alors plus de shame.” Nous lui répondons que c’est précisément sa parole que nous attendions, sa participation. Une remarque plus acerbe en direction de ceux qui avaient réservé, nous obligeant à annoncer trop souvent que la salle était pleine… et qui ne sont pas venus. Certains se sont décommandés très tard, en fin de matinée et d’autres n’ont même pas pris la peine de le faire. 25 absents au total, dont les repas nous sont restés sur les bras… Merci ! Parler de la Guadeloupe, c’est aussi pointer cette légèreté qui fait que nos initiatives meurent souvent de leur belle mort par manque de respect pour elles. Merci à Jacques Cassard pour la sonorisation toute en nuances. Merci à l’ équipe du Théâtre de l’Epée de Bois qui a été très à l’écoute de nos besoins, Claire, Bastien. Merci à Antonio Diaz Florian qui nous a invités chez lui, prêté sa salle, accueilli avec beaucoup de gentillesse et de respect, et qui, présent à cette première aventure, séduit par la forme, nous garantit déjà la suivante… et d’autres peut-être. Le prochain Sénat, consacré à la poésie, aura lieu le 9 juin de 15h à 18h au Théâtre de l’Epée de Bois. Réservations auprès de La Fabrique Insomniaque au 06 51 11 33 64 ou par mail à gertyH.dambury@gmail.com Infos pratiques : Théâtre de l'Épée de Bois - Cartoucherie Route du Champ de Manoeuvre - 75012 Paris Métro Chateau de Vincennes puis bus 112 - Arrêt Cartoucherie.